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Requins, pholades et oursins,
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Introduction
Les observations ont été réalisées au Sud de la D100 à 210 m d'altitude à proximité de Lagnes et de Fontaine de Vaucluse.
Dans cette partie des monts de Vaucluse les dépôts d'âge miocène (-20 Ma) sont en discordance sur les dépôts du crétacé inférieur (-120 Ma) et peut être en concordance avec des dépôts datés du paléogène (-66 à - 23 Ma).
Alors que le miocène est presque absent au Nord-Est, ici il est bien représenté. Ceci peut s'expliquer par le jeu de la faille de Fontaine de Vaucluse, faille qui est aujourd'hui marquée par le vallon de la combe et la piste de Valescure (Fig1). Le compartiment Sud-Ouest abaissé a pu recevoir des dépôts plus récents (post-crétacé).
▲ Fig1: La combe et la piste de Valescure (F = faille N-S) à Fontaine de Vaucluse, vu le matin.
Les roches du miocène sont toutes de couleur ocre jaune et présentent une alternance de niveaux gréseux friables et de niveaux de calcaire dur à débris de coquilles (*).
À l'Est de Chanteperdrix se trouvent des blocs détachés, gréseux datés du miocène. Le substrat est un calcaire compact blanc du Crétacé (Fig2). Ce calcaire est perforé par des organismes.
▲ Fig2: Bloc du miocène (M) et dalle du crétacé (C).
Les pholades du miocène
À quelques dizaines de mètres s'observe une dalle calcaire perforée, sans doute par des pholades (Fig3).
Les pholades actuelles sont des mollusques bivalves marins qui creusent une niche dans la roche. L'animal grandit et adapte sont logement par le frottement des valves qui use le substrat. Il ne peut plus sortir de sa niche mais il continue de s'alimenter en filtrant l'eau (8).
▲ Fig3: Dalle en calcaire crétacé à perforations de pholades, longueur à peu près 2m.
La comparaison à l'actuel et le principe de superposition des phénomènes permettent d'attribuer les perforations de la dalle du crétacé à des pholades post-crétacé. Puisqu'ici le paléogène est continental ces pholades ont donc vécu au miocène (certains trous sont remplis de grès jaune), ce qui montre le retour de la mer au miocène (-20 Ma).
L'affleurement présente 2 parties;
- une partie presque horizontale très lisse et avec peu de perforations,
- une partie inclinée vers le Sud qui présente de très nombreuses perforations.
Il est tentant d'y voir une ligne de rivage.
Les requins du miocène
Au Nord-Est, dans le prolongement de la dalle perforée, un affleurement de quelques mètres carrés présente une discordance Crétacé \ Miocène (Fig4).
L'épaisseur du dépôt miocène est faible (1 cm). L'essentiel a été érodé et a formé le champ agricole voisin.
▲ Fig4: Discordance Crétacé \ Miocène et dent de requin
C = Crétacé, M = Miocène, une dent de requin repérée par l'ellipse.
Fig5: Dent de requin partiellement dégagée du grès miocène (-20 Ma), plus grande dimension = 15 mm.
La dent fossile a été dégagée du grès par grattage.
La racine de la dent était absente in situ. La forme permet néanmoins d'identifier cette dent comme une dent de requin. En effet, la dent pointue effilée que nous avons trouvé ressemble à une dent de requin-taupe actuel.
Les requins actuels sont des organismes principalement marins qui vivent dans les mers chaudes ou tempérées.
Leur denture est en relation avec leur mode d'alimentation. Les requin-taupes actuels sont des prédateurs de gros poissons comme les thons ou les espadons. Les dents antérieures pointues permettent de saisir les proies.
Dessin d'une dent antérieure de requin-taupe
actuel, d'après (10).
L'observation confirme donc l'origine marine du sédiment miocène.
Les oursins du miocène
La même dalle calcaire de période crétacé présente un trou avec un remplissage en grès jaune de période miocène (Fig6). Ce trou peut être interprété, par ses dimensions comme une niche d'oursin. Le fragment blanc peut être un fragment de test d'oursin ou bien un débris de coquille de mollusque.
▲ Fig6: Trou dans la dalle de calcaire crétacé rempli de grès miocène, plus grand diamètre 35 mm.
Les oursins actuels creusent des niches dans les roches en broutant le film d'algues et de bactéries qui se développe sur la surface. Les dents de la lanterne d'Aristote arrachent le film et les particules rocheuses qui y adhèrent. Des groupes d'oursins ont pu ainsi creuser dans des parois verticales (Fig7).
▲ Fig7: Mur (affleurement vertical) de période crétacé à niches d'oursins
flanc Nord-Ouest du vallon de Groubelle, barre = 50 cm.
L'étude du phénomène actuel (9) montre que les oursins ingèrent effectivement des particules de roches et contribuent ainsi de manière significative à l'érosion puis à la sédimentation côtière.
Le détail de l'affleurement (Fig8) montre que les niches ont été creusées dans un calcaire blanc massif du crétacé inférieur (peut être de l'étage Barrémien, -120 Ma). Le creusement est donc postérieur à la période du crétacé (principe de superposition des phénomènes). Le remplissage est en grès jaune mal consolidé de période miocène (-20 Ma). Comme le paléogène est absent on peut déduire que les oursins ont vécu au début du miocène et ont creusé des niches juste avant que la sédimentation de la mer miocène ne devienne sablo-argileuse.
Cette sédimentation a alors rempli les trous creusés par les oursins (**).
▲ Fig8: Détail des niches d'oursins du vallon de Groubelle montrant le remplissage miocène, barre = 6 cm.
Bilan
Les restes ou traces d'organismes retrouvés; dent de requin, niches d'oursins et perforations de pholades, confirment l'origine marine du sédiment ayant donné les grès jaunes.
Ainsi, dans les monts de Vaucluse, le paléogène qui est continental s'achève par la transition oligo-miocène qui verra à sa fin, au miocène (-20 Ma), le retour de la mer par le sud-ouest (Fig9).
Cette mer envahit les fossés d'effondrements comme le val de Guihaud, le vallon de Groubelle ou la plaine de Chanteperdrix. Elle produit un dépôt épais sur le bloc inférieur (Ouest) bordant la faille de Fontaine de Vaucluse.
▲ Fig9: La transgression marine du début du miocène (aquitanien-burdigalien de -23 à -16 Ma) d'après (5)
Cette transgression est en relation avec la rotation du boc Corso-Sarde (voir carte).
Remarques:
▲ (*) Cette alternance a facilité l'exploitation en permettant de dégager facilement des pierres de construction en calcaire dur à débris. Ce matériau typique de la région est la "pierre du midi" qui bénéficie d'un label d'indication géographique (IG).
▲ (**) La verticalité de l'affleurement suggère un aplomb côtier comme dans les calanques actuelles.
La hauteur des niches remplies suggère un dépôt argilo-sableux miocène de plus d'un mètre d'épaisseur.
Références: